CRISE SANITAIRE, ÉCONOMIE ET JUSTICE SOCIALE

La crise sanitaire provoquée par la COVID19 a un impact sur l’économie et aggrave la situation des plus négligés. Dans notre pays, le plan d’urgence économique promu par le gouvernement est insuffisant, et l’incertitude grandit dans les secteurs populaires face aux licenciements, aux baisses de salaires et aux problèmes de santé non résolus. Pendant ce temps, la politique de châtiment envers ceux qui ont exprimé leur mécontentement à l’égard de l’ordre politico-économique lors de l’éclatement social maintient en prison des milliers de jeunes, malgré les risques de contagion.

Ces jours-ci, divers organismes internationaux soulignent que nous assistons au début d’une nouvelle récession économique mondiale, aussi grave sinon plus que celle qui a eu lieu il y a dix ans. Cette crise économique était en incubation depuis un certain temps et s’est vue accélérée par la propagation de la contagion du coronavirus et les mesures exceptionnelles adoptées pour la maîtriser.

Le coût de la récession en cours ne peut pas retomber sur les plus pauvres, sur les travailleurs ou sur les secteurs sociaux qui remettaient déjà en question avant la récession l’ordre social injuste dans sa version néolibérale.

Pour l’heure, nous sommes alarmés par le fait que les secteurs populaires vivent dans l’angoisse et l’incertitude, car ils ne savent pas comment ils vont survivre. Nous sommes alarmés par le fait que les aides fiscales annoncées par le gouvernement vont aller principalement à la grande entreprise, puisqu’on privilégie la protection des bénéfices des entreprises, et que dans les entreprises qui doivent suspendre temporairement leurs activités, on a l’intention de soutenir le paiement des salaires en les déduisant du compte personnel d’assurance-chômage que chaque travailleur a accumulé par lui-même (c’est-à-dire sans toucher à l’apport fait par l’entreprise au fond d’assurance-chômage). Nous sommes alarmés qu’en ce qui concerne les retraites, les fonds individuels aient subi d’énormes pertes ces derniers jours et que, malgré le temps écoulé et l’énorme remise en cause du système de capitalisation individuelle, il n’y ait pas encore de changement structurel ni de construction d’un véritable système de sécurité sociale. Nous sommes alarmés par la directive de la Direction du travail qui exonère les entreprises de toute responsabilité en cas de licenciement et n’indique pas d’exigence selon laquelle l’État doit assumer sa responsabilité sociale, tout comme les entreprises, en particulier les grandes sociétés et entreprises qui ont réalisé le plus de bénéfices dans les dernières années, ce qui contribuerait à résoudre les graves conséquences sociales d’un ordre injuste et sa crise actuelle. Nous sommes alarmés par le fait que bon nombre des mesures adoptées sont guidées par une idéologie qui met l’économie avant les personnes, ce qui expose une fois de plus le système d’«esclavage moderne» dans lequel nous vivons, qui ne protège pas et qui, au contraire, permet que les travailleurs les plus humbles risquent leur vie pour ne pas perdre leur travail.

C’est pourquoi nous insistons, le gouvernement et l’État doivent agir rapidement et prendre en compte l’ensemble de la population dans leurs mesures de protection et d’urgence. La lutte contre la COVID19 ne peut être utilisée à des fins politiques et économiques visant à neutraliser le mécontentement social et à bénéficier aux secteurs minoritaires et économiquement privilégiés. L’état de catastrophe exceptionnel et les mesures adoptées en vertu de celui-ci doivent être raisonnables, temporaires et proportionnelles étant donné que l’urgence sanitaire ne peut pas être une excuse pour des mesures répressives et des sanctions contre des individus ou des groupes ni des mouvements sociaux.

Pour cette raison, nous sommes alarmés l’État insister obstinément sur la détention préventive de tant de jeunes. Il est urgent, pour des raisons humanitaires, de vérifier s’il est nécessaire et essentiel de maintenir les accusés dans des zones surpeuplées, sans soins médicaux suffisants et avec de mauvaises conditions d’hygiène, d’abri et de nourriture. À notre avis, le passage d’une détention provisoire à une mesure de précaution moins contraignante est possible, nécessaire et urgent.

Le pouvoir exécutif et les autorités de l’État ont le devoir de résoudre la situation qui affecte la population dans son ensemble et en particulier les secteurs sociaux les plus négligés. La lutte contre la COVID-19 ne signifie pas que les garanties sociales et économiques, si faibles soient-elles, soient sapées à travers des mesures antisociales, notamment en matière de travail et de salaires. Le renforcement du système de santé publique et la promotion de mesures permettant une subsistance digne des peuples qui habitent notre pays sont des tâches urgentes. À défaut, les conditions de pauvreté et de marginalisation vont augmenter et l’indignation sociale et populaire va se manifester, comme cela se produit déjà dans d’autres parties du monde.

Ce sont des moments où la justice sociale est urgente, où il est nécessaire de faire un tournant transformateur et structurel dans le modèle économique et social. N’oublions pas que les racines du mécontentement – si massivement exprimé depuis le 18 octobre – résident dans l’injustice sociale et économique qui est en vigueur depuis des décennies dans notre pays.

Ce sont des moments où la responsabilité de chacun est cruciale pour éviter l’expansion de la COVID-19. Chacun doit assumer vis-à-vis de soi-même vis-à-vis de la collectivité un rôle de solidarité. La solidarité entre le peuple et les peuples est la prémisse qui doit nous guider.

Équipe CODEPU

30 mars 2020