«Les Carabiniers ont confirmé avoir détecté une «coloration inhabituelle» dans le canon à eau, et ils ont donc procédé à son “retrait immédiat” ». L’information diffusée implique que l’institution reconnaît que les composants des armes dissuasives causent de graves dommages à la santé et à l’intégrité physiques des manifestants.
Les premiers rapports indiquent que, lors des manifestations du vendredi après-midi, les blessés présentant des brûlures se comptaient par dizaines. Les photographies diffusées et les témoignages recueillis confirment la solidité du recours déposé par Mariela Santana, au nom de CODEPU, dans l’après-midi du 31 décembre 2019. Les tribunaux ont déclaré l’action recevable et procèdent actuellement à son analyse.
L’intervention des carabiniers a provoqué des préjudices graves, et c’est particulièrement grave à cause des moyens utilisés. Ces moyens sont en théorie non létaux, mais d’un côté leur utilisation n’est pas assujettie à des protocoles, ce qui suppose en soi un acte d’autorité arbitraire, et d’un autre côté leurs composants sont loin d’être ceux officiellement reconnus. Dans ces circonstances, l’intervention des carabiniers a eu comme conséquence des violations du droit à la vie, à la santé et à l’intégrité physique et psychique, selon ce que signale le recours parrainé par CODEPU.
Les allégations et conclusions contenues dans le recours sont nombreuses et constituent des situations extrêmement graves pour la population. Ceci autant à cause des effets et des conséquences sur la population qu’à cause des responsabilités politiques impliquées.
Les armes non létales ne sont pas utilisées conformément aux protocoles, et l’ignorance de ces derniers est tolérée ou même encouragée par les supérieurs hiérarchiques. Cela implique une responsabilité de l’ensemble de la chaîne de commandement politique et institutionnel des forces policières. Cette responsabilité devient encore plus grande lorsque les rapports soumis par les observateurs des droits de la personne confirment la gravité du non-respect des protocoles.
De plus, la répétition uniforme de ces agissements dans différents scénarios et circonstances indique que les ordres proviennent des officiers supérieurs et que ces ordres font partie d’une politique qui vise à dissuader et à punir les manifestants.
Quant aux composants utilisés, il ne s’agit pas de ceux officiellement approuvés. La crédibilité des autorités est implicite. Les rapports d’experts qui accompagnent le recours de protection (qui ont été demandés au Centre d’équipement supérieur de la Faculté des sciences de l’Université du Chili) fournissent des informations irréfutables selon lesquelles les composants utilisés par les différents moyens de dissuasion ne sont pas les mêmes que les composants que les autorités policières disent utiliser. Cela signifie que quelqu’un dit des demi-vérités ou ment carrément à tout le pays.
Mais le plus grave de tout – considérant que les aspects déjà mentionnés constituent une raison suffisante pour établir la responsabilité politique de la chaîne de commandement – ce sont les atteintes à la santé, à la vie et à l’intégrité physique des personnes. Tout cela a provoqué une urgence sanitaire extraordinaire et que le gouvernement n’a toujours pas assumée.
Les armes non létales utilisées par les forces de police (en fait, de létalité réduite) et leur utilisation en dehors des protocoles – avec des composants qui ne sont pas véridiquement dévoilés – lèguent à notre pays une génération qui compte des morts et des centaines de personnes souffrant de traumatismes oculaires. Il ne faut pas oublier non plus les milliers de blessés par des balles de plomb – qui peuvent provoquer des maladies – et les milliers de personnes touchées par des gaz lacrymogènes nocifs. Il faut également mentionner les canons à eau des forces policières (avec « couleurs inhabituelles ») qui provoquent de graves brûlures sur la peau et dont les conséquences sont encore inconnues.
C’est précisément l’accumulation d’antécédents qui oblige – du point de vue éthique et du droit – à déposer à nouveau l’interdiction provisoire sollicitée dans le recours de protection en cours d’analyse par les tribunaux. Il est vrai que les intimés (les Carabiniers, par l’intermédiaire de son directeur général, Mario Rozas, le maire de la région métropolitaine, Felipe Guevara, et Gonzalo Blumel, ministre de l’Intérieur) ont un délai pour répondre au tribunal. Dans l’appel interlocutoire, l’avocate Mariela Santana souligne que « les délais ou le retard de l’adoption des mesures qui tendent à empêcher l’utilisation des prétendus moyens de dissuasion par les Carabiniers du Chili dans les manifestations constituent un danger évident pour la population. En effet, l’ordonnance restrictive vise à accélérer temporairement l’application de l’interdiction, car si le développement complet du procès est attendu, des dommages irréparables peuvent survenir ».
Dans le mémoire, les tribunaux sont priés de concéder une interdiction provisoire (durant l’analyse du recours de protection) et ordonner aux personnes responsables, et à leurs agents, de procéder ipso facto à la suspension totale et effective de l’encerclement de Plaza Dignidad ainsi que de l’utilisation de moyens de dissuasion tels que les balles de plomb, les bombes lacrymogènes et les canons à eau.
CODEPU, en tant qu’organisme de défense des droits de la personne, renforcera sa demande à la lumière de nouveaux événements, et notamment devant les faits dénoncés par la population à la suite des agissements attribués au canon à eau L44. Ce canon a d’ailleurs été « retiré » par l’institution policière, car il était évident que les composants présents dans l’eau étaient « inconnus » et « inhabituels ».
CODEPU
11 janvier 2020