Nous ne nous lasserons pas d’affirmer que le Chili traverse la plus profonde crise sociale et politique de ces dernières années. C’est une crise qui trouve son origine dans un modèle économique imposé par la force qui génère de la richesse pour quelques-uns et trop de carences pour la grande majorité. C’est une crise qui trouve dans le régime politique basé sur une Constitution qui, malgré ses modifications, ne génère pas de mécanismes de participation réelle des peuples qui habitent notre territoire.
Nous insistons sur le fait qu’il s’agit d’une crise profonde alimentée par les injustices, les abus, le financement illégal de la politique, l’incrédulité des institutions et des inégalités sociales incommensurables. L’indignation sociale s’explique par l’exclusion sociale et la marginalisation, le travail précaire et l’absence de droits sociaux, économiques, culturels, politiques et environnementaux pour tous.
Ce n’est pas une crise d’ordre public. C’est une explosion sociale contre la fierté de ceux qui détiennent le pouvoir politique et économique. Et s’il y a eu de la violence, il ne s’agit pas simplement d’un sujet de police, et il ne sera pas résolu par le déploiement des forces armées. Dans notre Chili, il y a eu une violence sociale généralisée qui a marginalisé et puni de vastes secteurs populaires. En plus de les rendre invisibles, ils ne trouvent pas d’opportunités dans la société que nous avons construite.
Ce serait une erreur de supposer que tous les secteurs sociaux exclus répondent à certaines idéologies ou correspondent à des organisations criminelles. La marginalité et l’exclusion sociale sont le produit d’une société fière d’être une oasis exemplaire et idyllique, mais qui a en fait engendré outrage, colère, précarité, bas salaires, pensions misérables et des énormes privations en matière de santé, d’éducation et de logement.
Par conséquent, il nous semble grave de penser que le principal problème du pays est l’ordre public et la sécurité ou que la crise puisse être résolue par des agendas de sécurité ou la protection d’une infrastructure indéfinie par les forces armées dans les rues.
L’initiative gouvernementale visant à conférer des pouvoirs d’ordre public aux forces armées comporte des aspects clairement inconstitutionnels au regard de la Constitution actuelle et sur lesquels tout le monde s’accorde pour dire que des changements sont nécessaires. Les forces armées engagées dans des tâches d’ordre public impliquent l’établissement d’un état d’exception permanent qui nécessite une modification de la constitution actuelle et n’est pas possible à approuver au moyen d’une simple loi.
Mais autant ou plus grave est de proposer une exemption de responsabilité pénale pour le personnel qui utilise leurs armes. Cela équivaut à d’adopter une loi pénale en blanc, interdite par la constitution actuelle et dénote le caractère purement répressif de la proposition.
Les derniers rapports d’organisations internationales ont condamné les violations graves et massives des droits de l’homme. Des milliers de détenus, des blessés, des maltraitants, des mutilés et des aveugles, Fabiola Campillay et Gustavo Gatica, sont des crimes commis par des agents de l’État, qui ont une chaîne de commandement et des dirigeants directs et politiques.
Nous croyons sincèrement que la voie du contrôle social ne résout pas la crise la plus profonde de ces dernières années. L’imposition d’un ordre public ne fait pas non plus appel aux forces armées. La solution urgente dont le Chili a besoin doit aller dans le sens du dialogue et écouter les revendications sociales et populaires longtemps ignorées. La justice sociale et une nouvelle constitution, élaborée par une assemblée constituante, définie par son vrai nom, de caractère souveraine et représentative de nos peuples constituent les bases sur lesquelles il est possible de construire un pays qui inclut tout le monde. C’est le seul chemin possible.
CODEPU, le 28 novembre 2019